Bel-Ami / Милый друг - стр. 37
Il fit une seconde visite au bout de quelques jours.
La bonne l'introduisit dans le salon, et Laurine parut aussitôt. Elle tendit, non plus sa main, mais son front, et dit:
– Maman m'a chargée de vous prier de l'attendre. Elle en a pour un quart d'heure, parce qu'elle n'est pas habillée. Je vous tiendrai compagnie.
Duroy, qu'amusaient les manières cérémonieuses de la fillette, répondit:
– Parfaitement, mademoiselle, je serai enchanté de passer un quart d'heure avec vous; mais je vous préviens que je ne suis point sérieux du tout, moi, je joue toute la journée; je vous propose donc de faire une partie de chat perché.
La gamine demeura saisie, puis elle sourit, comme aurait fait une femme, de cette idée qui la choquait un peu et l'étonnait aussi; et elle murmura:
– Les appartements ne sont pas faits pour jouer.
Il reprit:
– Ça m'est égal. Moi je joue partout. Allons, attrapez-moi.
Et il se mit à tourner autour de la table, en l'excitant à le poursuivre, tandis qu'elle s'en venait derrière lui, souriant toujours avec une sorte de condescendance polie, et étendant parfois la main pour le toucher, mais sans s'abandonner jusqu'à courir.
Il s'arrêtait, se baissait, et lorsqu'elle approchait, de son petit pas hésitant, il sautait en l'air comme les diables enfermés en des boîtes, puis il s'élançait d'une enjambée à l'autre bout du salon. Elle trouvait ça drôle, finissait par rire, et, s'animant, commençait à trottiner derrière lui, avec de légers cris joyeux et craintifs, quand elle avait cru le saisir. Il déplaçait les chaises, en faisait des obstacles, la forçait à pivoter pendant une minute autour de la même, puis, quittant celle-là, en saisissait une autre. Laurine courait maintenant, s'abandonnait tout à fait au plaisir de ce jeu nouveau et, la figure rose, elle se précipitait d'un grand élan d'enfant ravie, à chacune des fuites, à chacune des ruses, à chacune des feintes de son compagnon.
Brusquement, comme elle s'imaginait l'atteindre, il la saisit dans ses bras, et, l'élevant jusqu'au plafond, il cria:
– Chat perché!
La fillette enchantée agitait ses jambes pour s'échapper et riait de tout son cœur.
Mme de Marelle entra et, stupéfaite:
– Ah! Laurine… Laurine qui joue… Vous êtes un ensorceleur, monsieur.
Il reposa par terre la gamine, baisa la main de la mère, et ils s'assirent, l'enfant entre eux. Ils voulurent causer; mais Laurine, grisée, si muette d'ordinaire, parlait tout le temps, et il fallut l'envoyer à sa chambre.
Elle obéit sans répondre, mais avec des larmes dans les yeux.
Dès qu'ils furent seuls, Mme de Marelle baissa la voix:
– Vous ne savez pas, j'ai un grand projet, et j'ai pensé à vous. Voilà: comme je dîne toutes les semaines chez les Forestier, je leur rends ça, de temps en temps, dans un restaurant. Moi, je n'aime pas à avoir du monde chez moi, je ne suis pas organisée pour ça, et, d'ailleurs, je n'entends rien aux choses de la maison, rien à la cuisine, rien à rien. J'aime vivre à la diable. Donc je les reçois de temps en temps au restaurant, mais ça n'est pas gai quand nous ne sommes que nous trois, et mes connaissances à moi ne vont guère avec eux. Je vous dis ça pour vous expliquer une invitation peu régulière. Vous comprenez, n'est-ce pas, que je vous demande d'être des nôtres samedi, au Café Riche, sept heures et demie. Vous connaissez la maison?