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Bel-Ami / Милый друг - стр. 29

Il ajoutait: «Je suis le rédacteur de la Vie Française.»

Puis il indiquait la rue et le numéro, en ayant soin de stipuler: «Vous laisserez chez le concierge.»

Comme il avait encore du temps, il entra chez un lithographe qui fabriquait des cartes de visite à la minute, sous les yeux des passants; et il s'en fit faire immédiatement une centaine, qui portaient, imprimée sous son nom, sa nouvelle qualité.

Puis il se rendit au journal.

Forestier le reçut de haut, comme on reçoit un inférieur:

– Ah! te voilà, très bien. J'ai justement plusieurs affaires pour toi. Attends-moi dix minutes. Je vais d'abord finir ma besogne.

Et il continua une lettre commencée. À l'autre bout de la grande table, un petit homme très pâle, bouffi, très gras, chauve, avec un crâne tout blanc et luisant, écrivait, le nez sur son papier, par suite d'une myopie excessive.

Forestier lui demanda:

– Dis donc, Saint-Potin, à quelle heure vas-tu interviewer nos gens?

– À quatre heures.

– Tu emmèneras avec toi le jeune Duroy ici présent, et tu lui dévoileras les arcanes du métier.

– C'est entendu.

Puis, se tournant vers son ami, Forestier ajouta:

– As-tu apporté la suite sur l'Algérie? Le début de ce matin a eu beaucoup de succès.

Duroy, interdit, balbutia:

– Non, – j'avais cru avoir le temps dans l'après-midi, – j'ai eu un tas de choses à faire, – je n'ai pas pu…

L'autre leva les épaules d'un air mécontent:

– Si tu n'es pas plus exact que ça, tu rateras ton avenir, toi. Le père Walter comptait sur ta copie. Je vais lui dire que ce sera pour demain. Si tu crois que tu seras payé pour ne rien faire, tu te trompes.

Puis, après un silence, il ajouta:

– On doit battre le fer quand il est chaud, que diable!

Saint-Potin se leva:

– Je suis prêt, dit-il.

Alors Forestier se renversant sur sa chaise, prit une pose presque solennelle pour donner ses instructions, et, se tournant vers Duroy:

– Voilà. Nous avons à Paris depuis deux jours le général chinois Li-Theng-Fao, descendu au Continental, et le rajah Taposahib Ramaderao Pali, descendu à l'Hôtel Bristol. Vous allez leur prendre une conversation.

Puis, se tournant vers Saint-Potin:

– N'oublie point les principaux points que je t'ai indiqués. Demande au général et au rajah leur opinion sur les menées de l'Angleterre dans l'Extrême-Orient, leurs idées sur son système de colonisation et de domination, leurs espérances relatives à l'intervention de l'Europe, et de la France en particulier, dans leurs affaires.

Il se tut, puis il ajouta, parlant à la cantonade:

– Il sera on ne peut plus intéressant pour nos lecteurs de savoir en même temps ce qu'on pense en Chine et dans les Indes sur ces questions, qui passionnent si fort l'opinion publique en ce moment.

Il ajouta, pour Duroy:

– Observe comment Saint-Potin s'y prendra, c'est un excellent reporter, et tâche d'apprendre les ficelles pour vider un homme en cinq minutes.

Puis il recommença à écrire avec gravité, avec l'intention évidente de bien établir les distances, de bien mettre à sa place son ancien camarade et nouveau confrère.

Dès qu'ils eurent franchi la porte, Saint-Potin se mit à rire et dit à Duroy:

– En voilà un faiseur! Il nous la fait à nous-mêmes. On dirait vraiment qu'il nous prend pour ses lecteurs.

Puis ils descendirent sur le boulevard, et le reporter demanda:

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