Путешествие к центру Земли / Voyage au centre de la Terre - стр. 5
Soudain une lueur se fit dans mon esprit ; ces seuls indices me firent entrevoir la vérité ; j’avais découvert la loi du chiffre.
Je me penchai sur la table ; je posai mon doigt successivement sur chaque lettre, et, sans m’arrêter, sans hésiter un instant, je prononçai à haute voix la phrase tout entière.
Mais quelle stupéfaction, quelle terreur m’envahit ! Je restai d’abord comme frappé d’un coup subit. Quoi ! ce que je venais d’apprendre s’était accompli ! un homme avait eu assez d’audace pour pénétrer !…
« Ah ! m’écriai-je en bondissant, mais non ! mais non ! mon oncle ne le saura pas ! Il ne manquerait plus qu’il vint à connaître un semblable voyage ! [23] Il voudrait en goûter aussi ! Rien ne pourrait l’arrêter ! Un géologue si déterminé ! il partirait quand même, malgré tout, en dépit de tout ! et il m’emmènerait avec lui, et nous n’en reviendrions pas ! Jamais ! jamais ! »
Mon excitation était difficile à peindre.
« Non ! non ! ce ne sera pas, dis-je avec énergie, et, puisque je peux empêcher qu’une pareille idée vienne à l’esprit de mon tyran, je le ferai. À tourner et retourner ce document, il pourrait par hasard en découvrir la clef ! Détruisons-le. »
Il y avait un reste de feu dans la cheminée. Je saisis non seulement la feuille de papier, mais le parchemin de Saknussemm ; j’allais précipiter le tout sur les charbons et anéantir ce dangereux secret, quand la porte du cabinet s’ouvrit. Mon oncle parut.
V
Je n’eus que le temps de replacer sur la table le malencontreux document.
Le professeur Lidenbrock paraissait profondément absorbé par sa pensée dominante. Il semblait vouloir appliquer quelque combinaison nouvelle. En effet, il s’assit dans son fauteuil, et, la plume à la main, il commença à établir des formules qui ressemblaient à un calcul algébrique.
Pendant trois longues heures, mon oncle travailla sans parler, sans lever la tête, effaçant, reprenant, recommençant mille fois.
Le temps s’écoulait ; la nuit se fit ; les bruits de la rue s’apaisèrent ; mon oncle, toujours courbé sur sa tâche, ne vit rien, pas même la bonne Marthe qui entrouvrit la porte et dit :
« Monsieur soupera-t-il ce soir ? »
Aussi Marthe dut-elle s’en aller sans réponse. Pour moi, après avoir résisté pendant quelque temps, je fus pris d’un invincible sommeil, et je m’endormis.
Quand je me réveillai, le lendemain, l’infatigable professeur était encore au travail. Ses yeux rouges, son teint blafard indiquaient assez sa lutte terrible avec l’impossible.
Vraiment, il me fit pitié. Malgré les reproches que je croyais être en droit de lui faire, une certaine émotion me gagnait. Toutes ses forces vives se concentraient sur un seul point, et, comme elles ne s’échappaient pas par leur exutoire ordinaire, on pouvait craindre que leur tension ne le fît éclater d’un instant à l’autre[24].
Je pouvais d’un geste desserrer cet étau de fer qui lui serrait le crâne, d’un mot seulement ! et je n’en fis rien.
« Non, non, répétai-je, non, je ne parlerai pas ! Il voudrait y aller, je le connais ; rien ne saurait l’arrêter. C’est une imagination volcanique, et, pour faire ce que d’autres géologues n’ont point fait, il risquerait sa vie. Je me tairai. Découvrir le secret, ce serait tuer le professeur Lidenbrock ! Qu’il le devine, s’il le peut. »