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Bel-Ami / Милый друг - стр. 80

Il le vit très bien, mais il ne pensait à rien qu'à ceci: «Quand on commandera feu, j'élèverai le bras et je tirerai.» Une voix résonna dans le grand silence de l'espace, une voix qui semblait venir de très loin, et elle demanda:

– Êtes-vous prêts, messieurs?

Georges cria:

– Oui!

Alors la même voix ordonna:

– Feu…

Il n'écouta rien de plus, il ne s'aperçut de rien, il ne se rendit compte de rien, il sentit seulement qu'il levait le bras en appuyant de toute sa force sur la gâchette.

Et il n'entendit rien.

Mais il vit aussitôt un peu de fumée au bout du canon de son pistolet; et comme l'homme en face de lui demeurait toujours debout, dans la même posture également, il aperçut aussi un autre petit nuage blanc qui s'envolait au-dessus de la tête de son adversaire.

Ils avaient tiré tous les deux. C'était fini.

Ses témoins et le médecin le touchaient, le palpaient, déboutonnaient ses vêtements en demandant avec anxiété:

– Vous n'êtes pas blessé?

Il répondit au hasard:

– Non, je ne crois pas.

Langremont, d'ailleurs, demeurait aussi intact que son ennemi, et Jacques Rival murmura d'un ton mécontent:

– Avec ce sacré pistolet, c'est toujours comme ça, on se rate ou on se tue. Quel sale instrument!

Duroy ne bougeait point, paralysé de surprise et de joie: «C'était fini!» Il fallut lui enlever son arme qu'il tenait toujours serrée dans sa main. Il lui semblait maintenant qu'il se serait battu contre l'univers entier. C'était fini. Quel bonheur! il se sentait brave tout à coup à provoquer n'importe qui.

Tous les témoins causèrent quelques minutes, prenant rendez-vous dans le jour pour la rédaction du procès-verbal, puis on remonta dans la voiture; et le cocher qui riait sur son siège repartit en faisant claquer son fouet.

Ils déjeunèrent tous les quatre sur le boulevard, en causant de l'événement. Duroy disait ses impressions.

– Ça ne m'a rien fait, absolument rien. Vous avez dû le voir du reste?

Rival répondit:

– Oui, vous vous êtes bien tenu.

Quand le procès-verbal fut rédigé on le présenta à Duroy qui devait l'insérer dans les échos. Il s'étonna de voir qu'il avait échangé deux balles avec M. Louis Langremont, et, un peu inquiet, il interrogea Rival:

– Mais nous n'avons tiré qu'une balle.

L'autre sourit:

– Oui, une balle… une balle chacun… ça fait deux balles.

Et Duroy, trouvant l'explication satisfaisante, n'insista pas. Le père Walter l'embrassa:

– Bravo, bravo, vous avez défendu le drapeau de la Vie Française, bravo!

Georges se montra, le soir, dans les principaux grands journaux et dans les principaux grands cafés du boulevard. Il rencontra deux fois son adversaire qui se montrait également.

Ils ne se saluèrent pas. Si l'un des deux avait été blessé, ils se seraient serré les mains. Chacun jurait d'ailleurs avec conviction avoir entendu siffler la balle de l'autre.

Le lendemain, vers onze heures du matin, Duroy reçut un petit bleu:

«Mon Dieu, que j'ai eu peur! Viens donc tantôt rue de Constantinople, que je t'embrasse, mon amour. Comme tu es brave – je t'adore. – Clo.»

Il alla au rendez-vous et elle s'élança dans ses bras, le couvrant de baisers:

– Oh! mon chéri, si tu savais mon émotion quand j'ai lu les journaux ce matin. Oh! raconte-moi. Dis-moi tout. Je veux savoir.

Il dut raconter les détails avec minutie. Elle demandait:

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