Bel-Ami / Милый друг - стр. 74
Il fut fiévreux tout le jour et il dormit mal encore la nuit suivante. Il se leva dès l'aurore pour chercher le numéro de la Plume qui devait répondre à sa réplique.
Le temps s'était remis au froid; il gelait dur. Les ruisseaux, saisis comme ils coulaient encore, déroulaient le long des trottoirs deux rubans de glace.
Les journaux n'étaient point arrivés chez les marchands, et Duroy se rappela le jour de son premier article: Les Souvenirs d'un chasseur d'Afrique. Ses mains et ses pieds s'engourdissaient, devenaient douloureux, au bout des doigts surtout; et il se mit à courir en rond autour du kiosque vitré, où la vendeuse, accroupie sur sa chaufferette, ne laissait voir, par la petite fenêtre, qu'un nez et des joues rouges dans un capuchon de laine.
Enfin le distributeur de feuilles publiques passa le paquet attendu par l'ouverture du carreau, et la bonne femme tendit à Duroy la Plume grande ouverte.
Il chercha son nom d'un coup d'œil et ne vit rien d'abord. Il respirait déjà, quand il aperçut la chose enfermée entre deux tirets.
«Le sieur Duroy, de la Vie Française, nous donne un démenti; et, en nous démentant, il ment. Il avoue cependant qu'il existe une femme Aubert, et qu'un agent l'a conduite à la police. Il ne reste donc qu'à ajouter deux mots: «des mœurs» après le mot «agent» et c'est dit.
«Mais la conscience de certains journalistes est au niveau de leur talent.
«Et je signe: Louis Langremont.»
Alors le cœur de Georges se mit à battre violemment, et il rentra chez lui pour s'habiller, sans trop savoir ce qu'il faisait. Donc, on l'avait insulté, et d'une telle façon qu'aucune hésitation n'était possible. Pourquoi? Pour rien. À propos d'une vieille femme qui s'était querellée avec son boucher.
Il s'habilla bien vite et se rendit chez M. Walter, quoiqu'il fût à peine huit heures du matin.
M. Walter, déjà levé, lisait la Plume.
– Eh bien, dit-il avec un visage grave, en apercevant Duroy, vous ne pouvez pas reculer?
Le jeune homme ne répondit rien. Le directeur reprit:
– Allez tout de suite trouver Rival, qui se chargera de vos intérêts.
Duroy balbutia quelques mots vagues et sortit pour se rendre chez le chroniqueur, qui dormait encore. Il sauta du lit, au coup de sonnette, puis ayant lu l'écho:
– Bigre, il faut y aller. Qui voyez-vous comme autre témoin?
– Mais, je ne sais pas, moi.
– Boisrenard? Qu'en pensez-vous?
– Oui, Boisrenard.
– Êtes-vous fort aux armes?
– Pas du tout.
– Ah! diable! et au pistolet?
– Je tire un peu.
– Bon. Vous allez vous exercer pendant que je m'occuperai de tout. Attendez-moi une minute.
Il passa dans son cabinet de toilette et reparut bientôt, lavé, rasé, correct.
– Venez avec moi, dit-il.
Il habitait au rez-de-chaussée d'un petit hôtel, et il fit descendre Duroy dans la cave, une cave énorme, convertie en salle d'armes et en tir, toutes les ouvertures sur la rue étant bouchées.
Après avoir allumé une ligne de becs de gaz conduisant jusqu'au fond d'un second caveau, où se dressait un homme de fer peint en rouge et en bleu, il posa sur une table deux paires de pistolets d'un système nouveau se chargeant par la culasse, et il commença les commandements d'une voix brève comme si on eût été sur le terrain.
– Prêt?
– Feu! – un, deux, trois.
Duroy, anéanti, obéissait, levait les bras, visait, tirait, et comme il atteignait souvent le mannequin en plein ventre, car il s'était beaucoup servi dans sa première jeunesse d'un vieux pistolet d'arçon de son père pour tuer des oiseaux dans la cour, Jacques Rival satisfait déclarait: