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Bel-Ami / Милый друг - стр. 50

Duroy debout, nerveux, fouillait ses poches, et d'une voix brusque:

– Dites donc, Foucart, j'ai oublié mon porte-monnaie chez moi, et il faut que j'aille dîner au Luxembourg. Prêtez-moi cinquante sous pour payer ma voiture.

L'homme tira trois francs de son gilet, en demandant:

– Monsieur Duroy ne veut pas davantage?

– Non, non, cela me suffit. Merci bien.

Et, ayant saisi les pièces blanches, Duroy descendit en courant l'escalier, puis alla dîner dans une gargote où il échouait aux jours de misère.

À neuf heures, il attendait sa maîtresse, les pieds au feu dans le petit salon.

Elle arriva, très animée, très gaie, fouettée par l'air froid de la rue:

– Si tu veux, dit-elle, nous ferons d'abord un tour, puis nous rentrerons ici à onze heures. Le temps est admirable pour se promener.

Il répondit d'un ton grognon:

– Pourquoi sortir? On est très bien ici.

Elle reprit, sans ôter son chapeau:

– Si tu savais, il fait un clair de lune merveilleux. C'est un vrai bonheur de se promener, ce soir.

– C'est possible, mais moi je ne tiens pas à me promener.

Il avait dit cela d'un air furieux. Elle en fut saisie, blessée, et demanda:

– Qu'est-ce que tu as? Pourquoi prends-tu ces manières-là? J'ai le désir de faire un tour, je ne vois pas en quoi cela peut te fâcher.

Il se souleva, exaspéré:

– Cela ne me fâche pas. Cela m'embête. Voilà!

Elle était de celles que la résistance irrite et que l'impolitesse exaspère.

Elle prononça, avec dédain, avec une colère froide:

– Je n'ai pas l'habitude qu'on me parle ainsi. Je m'en irai seule, alors; adieu!

Il comprit que c'était grave, et s'élançant vivement vers elle, il lui prit les mains, les baisa, en balbutiant:

– Pardonne-moi, ma chérie, pardonne-moi, je suis très nerveux, ce soir, très irritable. C'est que j'ai des contrariétés, des ennuis, tu sais, des affaires de métier.

Elle répondit, un peu adoucie, mais non calmée:

– Cela ne me regarde pas, moi; et je ne veux point supporter le contre-coup de votre mauvaise humeur.

Il la prit dans ses bras, l'attira vers le canapé:

– Écoute, ma mignonne, je ne voulais point te blesser; je n'ai point songé à ce que je disais.

Il l'avait forcée à s'asseoir, et s'agenouillant devant elle:

– M'as-tu pardonné? Dis-moi que tu m'as pardonné.

Elle murmura, d'une voix froide:

– Soit, mais ne recommence pas.

Et, s'étant relevée, elle ajouta:

– Maintenant, allons faire un tour.

Il était demeuré à genoux, entourant les hanches de ses deux bras; il balbutia:

– Je t'en prie, restons ici. Je t'en supplie. Accorde-moi cela. J'aimerais tant à te garder ce soir, pour moi tout seul, là, près du feu. Dis «oui», je t'en supplie, dis «oui».

Elle répliqua nettement, durement:

– Non. Je tiens à sortir, et je ne céderai pas à tes caprices.

Il insista:

– Je t'en supplie, j'ai une raison, une raison très sérieuse…

Elle dit de nouveau:

– Non. Et si tu ne veux pas sortir avec moi, je m'en vais. Adieu!

Elle s'était dégagée d'une secousse, et gagnait la porte. Il courut vers elle, l'enveloppa dans ses bras:

– Écoute, Clo, ma petite Clo, écoute, accorde-moi cela…

Elle faisait non, de la tête, sans répondre, évitant ses baisers et cherchant à sortir de son étreinte pour s'en aller.

Il bégayait:

– Clo, ma petite Clo, j'ai une raison.

Elle s'arrêta en le regardant en face:

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