Bel-Ami / Милый друг - стр. 46
Il l'embrassait froidement, n'osant faire la question qui lui venait aux lèvres.
Elle avait posé un gros paquet sur le guéridon, au milieu de la pièce. Elle l'ouvrit et en tira un savon, une bouteille d'eau de Lubin, une éponge, une boîte d'épingles à cheveux, un tire-bouchon et un petit fer à friser pour rajuster les mèches de son front qu'elle défaisait toutes les fois.
Et elle joua à l'installation, cherchant la place de chaque chose, s'amusant énormément.
Elle parlait tout en ouvrant les tiroirs:
– Il faudra que j'apporte un peu de linge, pour pouvoir en changer à l'occasion. Ce sera très commode. Si je reçois une averse, par hasard, en faisant des courses, je viendrai me sécher ici. Nous aurons chacun notre clef, outre celle laissée dans la loge pour le cas où nous oublierions les nôtres. J'ai loué pour trois mois, à ton nom, bien entendu, puisque je ne pouvais donner le mien.
Alors il demanda:
– Tu me diras quand il faudra payer?
Elle répondit simplement:
– Mais c'est payé, mon chéri!
Il reprit:
– Alors, c'est à toi que je le dois?
– Mais non, mon chat, ça ne te regarde pas, c'est moi qui veux faire cette petite folie.
Il eut l'air de se fâcher:
– Ah! mais non, par exemple. Je ne le permettrai point.
Elle vint à lui suppliante, et, posant les mains sur ses épaules:
– Je t'en prie, Georges, ça me fera tant de plaisir, tant de plaisir que ce soit à moi, notre nid, rien qu'à moi! Ça ne peut pas te froisser? En quoi? Je voudrais apporter ça dans notre amour. Dis que tu veux bien, mon petit Géo, dis que tu veux bien?..
Elle l'implorait du regard, de la lèvre, de tout son être.
Il se fit prier, refusant avec des mines irritées, puis il céda, trouvant cela juste, au fond.
Et quand elle fut partie, il murmura, en se frottant les mains et sans chercher dans les replis de son cœur d'où lui venait, ce jour-là, cette opinion: «Elle est gentille, tout de même.»
Il reçut quelques jours plus tard un autre petit bleu qui lui disait:
«Mon mari arrive ce soir, après six semaines d'inspection. Nous aurons donc relâche huit jours. Quelle corvée, mon chéri!
«Ta Clo.»
Duroy demeura stupéfait. Il ne songeait vraiment plus qu'elle était mariée. En voilà un homme dont il aurait voulu voir la tête, rien qu'une fois, pour le connaître.
Il attendit avec patience cependant le départ de l'époux, mais il passa aux Folies-Bergère deux soirées qui se terminèrent chez Rachel.
Puis, un matin, nouveau télégramme contenant quatre mots: «Tantôt, cinq heures. – Clo.»
Ils arrivèrent tous les deux en avance au rendez-vous. Elle se jeta dans ses bras avec un grand élan d'amour, le baisant passionnément à travers le visage; puis elle lui dit:
– Si tu veux, quand nous nous serons bien aimés, tu m'emmèneras dîner quelque part. Je me suis faite libre.
On était justement au commencement du mois, et bien que son traitement fût escompté longtemps d'avance, et qu'il vécût au jour le jour d'argent cueilli de tous les côtés, Duroy se trouvait par hasard en fonds; et il fut content d'avoir l'occasion de dépenser quelque chose pour elle.
Il répondit:
– Mais oui, ma chérie, où tu voudras.
Ils partirent donc vers sept heures et gagnèrent le boulevard extérieur. Elle s'appuyait fortement sur lui et lui disait, dans l'oreille: