Bel-Ami / Милый друг - стр. 43
– Comme je vous aime! comme je vous aime!
Elle ouvrit les bras, et tomba sur sa poitrine; puis, ayant levé la tête vers lui, ils s'embrassèrent longtemps.
Il pensait: «C'est plus facile que je n'aurais cru. Ça va très bien.» Et, leurs lèvres s'étant séparées, il souriait sans dire un mot, en tâchant de mettre dans son regard une infinité d'amour.
Elle aussi souriait, de ce sourire qu'elles ont pour offrir leur désir, leur consentement, leur volonté de se donner. Elle murmura:
– Nous sommes seuls. J'ai envoyé Laurine déjeuner chez une camarade.
Il soupira, en lui baisant les poignets:
– Merci, je vous adore.
Alors elle lui prit le bras, comme s'il eût été son mari, pour aller jusqu'au canapé où ils s'assirent côte à côte.
Il lui fallait un début de causerie habile et séduisant; ne le découvrant point à son gré, il balbutia:
– Alors vous ne m'en voulez pas trop?
Elle lui mit une main sur la bouche:
– Tais-toi!
Ils demeurèrent silencieux, les regards mêlés, les doigts enlacés et brûlants.
– Comme je vous désirais! dit-il.
Elle répéta:
– Tais-toi.
On entendait la bonne remuer les assiettes dans la salle derrière le mur.
Il se leva:
– Je ne veux pas rester si près de vous. Je perdrais la tête.
La porte s'ouvrit:
– Madame est servie.
Et il offrit son bras avec gravité.
Ils déjeunèrent face à face, se regardant et se souriant sans cesse, occupés uniquement d'eux, tout enveloppés par le charme si doux d'une tendresse qui commence. Ils mangeaient sans savoir quoi. Il sentit un pied, un petit pied, qui rôdait sous la table. Il le prit entre les siens et l'y garda, le serrant de toute sa force.
La bonne allait, venait, apportait et enlevait les plats d'un air nonchalant, sans paraître rien remarquer.
Quand ils eurent fini de manger, ils rentrèrent dans le salon et reprirent leur place sur le canapé, côte à côte.
Peu à peu, il se serrait contre elle, essayant de l'étreindre. Mais elle le repoussait avec calme:
– Prenez garde, on pourrait entrer.
Il murmura:
– Quand pourrai-je vous voir bien seule pour vous dire comme je vous aime?
Elle se pencha vers son oreille, et prononça tout bas:
– J'irai vous faire une petite visite chez vous un de ces jours.
Il se sentit rougir:
– C'est que… chez moi… c'est… c'est bien modeste…
Elle sourit:
– Ça ne fait rien. C'est vous que j'irai voir et non pas l'appartement.
Alors il la pressa pour savoir quand elle viendrait. Elle fixa un jour éloigné de la semaine suivante, et il la supplia d'avancer la date, avec des paroles balbutiées, des yeux luisants, en lui maniant et lui broyant les mains, le visage rouge, enfiévré, ravagé de désir, de ce désir impétueux qui suit les repas en tête-à-tête.
Elle s'amusait de le voir l'implorer avec cette ardeur, et cédait un jour de temps en temps. Mais il répétait:
– Demain… dites… demain.
Elle y consentit à la fin:
– Oui. Demain. Cinq heures.
Il poussa un long soupir de joie; et ils causèrent presque tranquillement, avec des allures d'intimité, comme s'ils se fussent connus depuis vingt ans.
Un coup de timbre les fit tressaillir; et, d'une secousse, ils s'éloignèrent l'un de l'autre.
Elle murmura:
– Ce doit être Laurine.
L'enfant parut, puis s'arrêta interdite, puis courut vers Duroy en battant des mains, transportée de plaisir en l'apercevant, et elle cria: