Bel-Ami / Милый друг - стр. 32
– Dites-lui que c'est moi, pour une affaire pressante.
Après cinq minutes d'attente, on le fit entrer dans le cabinet où il avait passé une si bonne matinée.
À la place occupée par lui, Forestier maintenant était assis et écrivait, en robe de chambre, les pieds dans ses pantoufles, la tête couverte d'une petite toque anglaise; tandis que sa femme, enveloppée du même peignoir blanc, et accoudée à la cheminée, dictait, une cigarette à la bouche.
Duroy, s'arrêtant sur le seuil, murmura:
– Je vous demande bien pardon; je vous dérange?
Et son ami, ayant tourné la tête, une tête furieuse, grogna:
– Qu'est-ce que tu veux encore? Dépêche-toi, nous sommes pressés.
L'autre, interdit, balbutiait:
– Non, ce n'est rien, pardon.
Mais Forestier, se fâchant:
– Allons, sacrebleu! ne perds pas de temps; tu n'as pourtant pas forcé ma porte pour le plaisir de nous dire bonjour.
Alors Duroy, fort troublé, se décida:
– Non… voilà… c'est que… je n'arrive pas encore à faire mon article… et tu as été… vous avez été si… si… si gentils la dernière fois que… que j'espérais… que j'ai osé venir…
Forestier lui coupa la parole:
– Tu te fiches du monde, à la fin! Alors tu t'imagines que je vais faire ton métier, et que tu n'auras qu'à passer à la caisse au bout du mois. Non! Elle est bonne, celle-là!
La jeune femme continuait à fumer, sans dire un mot, souriant toujours d'un vague sourire qui semblait un masque aimable sur l'ironie de sa pensée.
Et Duroy, rougissant, bégayait:
– Excusez-moi… j'avais cru… j'avais pensé…
Puis brusquement, d'une voix claire:
– Je vous demande mille fois pardon, madame, en vous adressant encore mes remerciements les plus vifs pour la chronique si charmante que vous m'avez faite hier.
Puis il dit à Charles: «Je serai à trois heures au journal,» et il sortit.
Il retourna chez lui, à grands pas, en grommelant: «Eh bien, je m'en vais la faire celle-là, et tout seul, et ils verront…»
À peine rentré, la colère l'excitant, il se mit à écrire.
Il continua l'aventure commencée par Mme Forestier, accumulant des détails de roman-feuilleton, des péripéties surprenantes et des descriptions ampoulées, avec une maladresse de style de collégien et des formules de sous-officier. En une heure, il eut terminé une chronique qui ressemblait à un chaos de folies, et il la porta, avec assurance, à la Vie Française.
La première personne qu'il rencontra fut Saint-Potin qui, lui serrant la main avec une énergie de complice, demanda:
– Vous avez lu ma conversation avec le Chinois et avec l'Hindou. Est-ce assez drôle? Ça a amusé tout Paris. Et je n'ai pas vu seulement le bout de leur nez.
Duroy, qui n'avait rien lu, prit aussitôt le journal, et il parcourut de l'œil un long article intitulé «Inde et Chine», pendant que le reporter lui indiquait et soulignait les passages les plus intéressants.
Forestier survint, soufflant, pressé, l'air effaré:
– Ah bon, j'ai besoin de vous deux.
Et il leur indiqua une série d'informations politiques qu'il fallait se procurer pour le soir même.
Duroy lui rendit son article.
– Voici la suite sur l'Algérie.
– Très bien, donne: je vais la remettre au patron.
Ce fut tout.
Saint-Potin entraîna son nouveau confrère, et lorsqu'ils furent dans le corridor, il lui dit:
– Avez-vous passé à la caisse?