Bel-Ami / Милый друг - стр. 25
Forestier demanda:
– Où loge-t-il?
Et comme il avait manqué son trente-septième coup, il ouvrit une armoire où Duroy aperçut une vingtaine de bilboquets superbes, rangés et numérotés comme des bibelots dans une collection. Puis, ayant posé son instrument à sa place ordinaire, il répéta:
– Où loge-t-il, ce joyau?
Le journaliste répondit:
– Chez un marchand de billets du Vaudeville. Je t'apporterai la chose demain, si tu veux.
– Oui, c'est entendu. S'il est vraiment beau, je le prends; on n'a jamais trop de bilboquets.
Puis se tournant vers Duroy:
– Viens avec moi, je vais t'introduire chez le patron, sans quoi tu pourrais moisir jusqu'à sept heures du soir.
Ils retraversèrent le salon d'attente, où les mêmes personnes demeuraient dans le même ordre. Dès que Forestier parut, la jeune femme et la vieille actrice, se levant vivement, vinrent à lui.
Il les emmena, l'une après l'autre, dans l'embrasure de la fenêtre, et, bien qu'ils prissent soin de causer à voix basse, Duroy remarqua qu'il les tutoyait l'une et l'autre.
Puis, ayant poussé deux portes capitonnées, ils pénétrèrent chez le directeur.
La conférence, qui durait depuis une heure, était une partie d'écarté avec quelques-uns de ces messieurs à chapeaux plats que Duroy avait remarqués la veille.
M. Walter tenait les cartes et jouait avec une attention concentrée et des mouvements cauteleux, tandis que son adversaire abattait, relevait, maniait les légers cartons coloriés avec une souplesse, une adresse et une grâce de joueur exercé. Norbert de Varenne écrivait un article, assis dans le fauteuil directorial, et Jacques Rival, étendu tout au long sur un divan, fumait un cigare, les yeux fermés.
On sentait là-dedans le renfermé, le cuir des meubles, le vieux tabac et l'imprimerie; on sentait cette odeur particulière des salles de rédaction que connaissent tous les journalistes.
Sur la table en bois noir aux incrustations de cuivre, un incroyable amas de papier gisait: lettres, cartes, journaux, revues, notes de fournisseurs, imprimés de toute espèce.
Forestier serra les mains des parieurs debout derrière les joueurs, et sans dire un mot regarda la partie; puis, dès que le père Walter eut gagné, il présenta:
– Voici mon ami Duroy.
Le directeur considéra brusquement le jeune homme de son coup d'œil glissé par-dessus le verre des lunettes, puis il demanda:
– M'apportez-vous mon article? Ça irait très bien aujourd'hui, en même temps que la discussion Morel.
Duroy tira de sa poche les feuilles de papier pliées en quatre:
– Voici, monsieur.
Le patron parut ravi, et, souriant:
– Très bien, très bien. Vous êtes de parole. Il faudra me revoir ça, Forestier?
Mais Forestier s'empressa de répondre:
– Ce n'est pas la peine, monsieur Walter: j'ai fait la chronique avec lui pour lui apprendre le métier. Elle est très bonne.
Et le directeur, qui recevait à présent les cartes données par un grand monsieur maigre, un député du centre gauche, ajouta avec indifférence:
– C'est parfait, alors.
Forestier ne le laissa pas commencer sa nouvelle partie; et, se baissant vers son oreille:
– Vous savez que vous m'avez promis d'engager Duroy pour remplacer Marambot. Voulez-vous que je le retienne aux mêmes conditions?
– Oui, parfaitement.
Et prenant le bras de son ami, le journaliste l'entraîna pendant que M. Walter se remettait à jouer.