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Bel-Ami / Милый друг - стр. 21

Elle montrait un siège:

– Asseyez-vous et parlez.

Elle maniait entre deux doigts une plume d'oie en la tournant agilement; et, devant elle, une grande page de papier demeurait écrite à moitié, interrompue à l'arrivée du jeune homme.

Elle avait l'air chez elle devant cette table de travail, à l'aise comme dans son salon, occupée à sa besogne ordinaire. Un parfum léger s'envolait du peignoir, le parfum frais de la toilette récente. Et Duroy cherchait à deviner, croyait voir le corps jeune et clair, gras et chaud, doucement enveloppé dans l'étoffe moelleuse.

Elle reprit et comme il ne parlait pas:

– Eh bien, dites, qu'est-ce que c'est?

Il murmura, en hésitant:

– Voilà… mais vraiment… je n'ose pas… C'est que j'ai travaillé hier soir très tard… et ce matin… très tôt… pour faire cet article sur l'Algérie que M. Walter m'a demandé… et je n'arrive à rien de bon… j'ai déchiré tous mes essais… Je n'ai pas l'habitude de ce travail-là, moi; et je venais demander à Forestier de m'aider… pour une fois…

Elle l'interrompit, en riant de tout son cœur, heureuse, joyeuse et flattée:

– Et il vous a dit de venir me trouver…? C'est gentil, ça…

– Oui, madame. Il m'a dit que vous me tireriez d'embarras mieux que lui… Mais, moi, je n'osais pas, je ne voulais pas. Vous comprenez?

Elle se leva:

– Ça va être charmant de collaborer comme ça. Je suis ravie de votre idée. Tenez, asseyez-vous à ma place, car on connaît mon écriture au journal. Et nous allons vous tourner un article, mais là, un article à succès.

Il s'assit, prit une plume, étala devant lui une feuille de papier, et attendit.

Mme Forestier, restée debout, le regardait faire ses préparatifs; puis elle atteignit une cigarette sur la cheminée et l'alluma:

– Je ne puis pas travailler sans fumer, dit-elle. Voyons, qu'allez-vous raconter?

Il leva la tête vers elle avec étonnement.

– Mais je ne sais pas, moi, puisque je suis venu vous trouver pour ça.

Elle reprit:

– Oui, je vous arrangerai la chose. Je ferai la sauce, mais il me faut le plat.

Il demeurait embarrassé; enfin il prononça avec hésitation:

– Je voudrais raconter mon voyage depuis le commencement…

Alors elle s'assit, en face de lui, de l'autre côté de la grande table, et le regardant dans les yeux:

– Eh bien, racontez-le-moi d'abord, pour moi toute seule, vous entendez, bien doucement, sans rien oublier, et je choisirai ce qu'il faut prendre.

Mais comme il ne savait par où commencer, elle se mit à l'interroger comme aurait fait un prêtre au confessionnal, posant des questions précises qui lui rappelaient des détails oubliés, des personnages rencontrés, des figures seulement aperçues.

Quand elle l'eut contraint à parler ainsi pendant un petit quart d'heure, elle l'interrompit tout à coup:

– Maintenant, nous allons commencer. D'abord, nous supposons que vous adressez à un ami vos impressions, ce qui vous permet de dire un tas de bêtises, de faire des remarques de toute espèce, d'être naturel et drôle, si nous pouvons. Commencez:

«Mon cher Henry, tu veux savoir ce que c'est que l'Algérie, tu le sauras. Je vais t'envoyer, n'ayant rien à faire dans la petite case de boue sèche qui me sert d'habitation, une sorte de journal de ma vie, jour par jour, heure par heure. Ce sera un peu vif quelquefois: tant pis, tu n'es pas obligé de le montrer aux dames de ta connaissance…»

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