Bel-Ami / Милый друг - стр. 15
Et le jeune homme, plus maître de lui, considéra avec attention l'appartement. Il n'était pas grand; rien n'attirait le regard en dehors des arbustes; aucune couleur vive ne frappait; mais on se sentait à son aise dedans, on se sentait tranquille, reposé; il enveloppait doucement, il plaisait, mettait autour du corps quelque chose comme une caresse.
Les murs étaient tendus avec une étoffe ancienne d'un violet passé, criblée de petites fleurs de soie jaune, grosses comme des mouches.
Des portières en drap bleu gris, en drap de soldat où l'on avait brodé quelques œillets de soie rouge, retombaient sur les portes; et les sièges, de toutes les formes, de toutes les grandeurs, éparpillés au hasard dans l'appartement, chaises longues, fauteuils énormes ou minuscules, poufs et tabourets, étaient couverts de soie Louis XVI ou de beau velours d'Utrecht, fond crème, à dessins grenat.
– Prenez-vous du café, monsieur Duroy?
Et Mme Forestier lui tendait une tasse pleine, avec ce sourire ami qui ne quittait point sa lèvre.
– Oui, madame, je vous remercie.
Il reçut la tasse, et comme il se penchait plein d'angoisse pour cueillir avec la pince d'argent un morceau de sucre dans le sucrier que portait la petite fille, la jeune femme lui dit à mi-voix:
– Faites donc votre cour à Mme Walter.
Puis elle s'éloigna avant qu'il eût pu répondre un mot.
Il but d'abord son café qu'il craignait de laisser tomber sur le tapis; puis, l'esprit plus libre, il chercha un moyen de se rapprocher de la femme de son nouveau directeur et d'entamer une conversation.
Tout à coup il s'aperçut qu'elle tenait à la main sa tasse vide; et, comme elle se trouvait loin d'une table, elle ne savait où la poser. Il s'élança.
– Permettez, madame.
– Merci, monsieur.
Il emporta la tasse, puis il revint:
– Si vous saviez, madame, quels bons moments m'a fait passer la Vie Française quand j'étais là-bas dans le désert. C'est vraiment le seul journal qu'on puisse lire hors de France, parce qu'il est plus littéraire, plus spirituel et moins monotone que tous les autres. On trouve de tout là dedans.
Elle sourit avec une indifférence aimable, et répondit gravement:
– M. Walter a eu bien du mal pour créer ce type de journal, qui répondait à un besoin nouveau.
Et ils se mirent à causer. Il avait la parole facile et banale, du charme dans la voix, beaucoup de grâce dans le regard et une séduction irrésistible dans la moustache. Elle s'ébouriffait sur sa lèvre, crépue, frisée, jolie, d'un blond teinté de roux avec une nuance plus pâle dans les poils hérissés des bouts.
Ils parlèrent de Paris, des environs, des bords de la Seine, des villes d'eaux, des plaisirs de l'été, de toutes les choses courantes sur lesquelles on peut discourir indéfiniment sans se fatiguer l'esprit.
Puis, comme M. Norbert de Varenne s'approchait, un verre de liqueur à la main, Duroy s'éloigna par discrétion.
Mme de Marelle, qui venait de causer avec Mme Forestier, l'appela:
– Eh bien! monsieur, dit-elle brusquement, vous voulez donc tâter du journalisme?
Alors il parla de ses projets, en termes vagues, puis recommença avec elle la conversation qu'il venait d'avoir avec Mme Walter; mais, comme il possédait mieux son sujet, il s'y montra supérieur, répétant comme de lui des choses qu'il venait d'entendre. Et sans cesse il regardait dans les yeux de sa voisine, comme pour donner à ce qu'il disait un sens profond.